Silènci

Siéu la boufado dóu mistral,
L'ami dis Aup e de la mar.
Nasquère dins li bouco latino
Dins lou miejour soun mi racino.
Li jacoubin voulien m'enmourraia,
M'enmuraia dins lou silènci !
Mai siéu toujour aqui,
Dre davans Paris.
Vole pas mouri de silènci…
Dins li trencado de l'óublit !
…de l'óublit !

Silence
Je suis le souffle du mistral,
L’ami des alpes et de la mer.
Je naquis dans les bouches latines
Dans le sud sont mes racines.
Les jacobins voulaient me mettre le mors
M’emmurer dans le silence !
Mais je suis toujours là,
Droit devant Paris
Je veux pas mourir de silence…
Dans les tranchées de l’oubli !
…de l’oubli !

Auteur : William Loiseau

Cigalo

Rèino di bos verdejant,
Cigalo, que siés urouso !
Tre que l'aubo blanquinouso
Trais si perlo de diamant.

Sus li fueio tremouleto,
Beves l'eigagno fresqueto.
Pièi, zòu ! Cantes ta cansoun.
Pièi, zòu ! Cantes ta cansoun.

E li Muso riserello
Li nòu Sorre t'an douna
La musico encantarello
Que fas tant bèn zounzouna !

La mort plego pas tis alo,
O cantairo de l'estiéu,
E siés, estènt inmourtalo,
Segur la fiho d'un diéu !

La fiho d'un diéu !
Cigalo !
Siés la fiho d'un diéu !

E li Muso riserello
Li nòu Sorre t'an douna
La musico encantarello
Que fas tant bèn zounzouna !

La mort plego pas tis alo,
O cantairo de l'estiéu,
E siés, estènt inmourtalo,
Segur la fiho d'un diéu !

La fiho d'un diéu !
Cigalo !
Siés la fiho d'un diéu !

Cigale

Reine des bois verdoyants,
Cigale, que tu es heureuse !
Dès que l'aube blanchâtre
Suit la trace de ses perles de diamant,

Sous les feuilles tremblotantes,
Tu bois la rosée fraîche.
Puis zou ! Tu chantes ta chanson.

Et les muses rieuses,
Les neufs sœurs t'ont donné
La musique enchanteresse
Qu'il est si bon de bourdonner (NB: les cigales cymbalisent)

La mort ne plie pas tes ailes
O chanteur de l'été,
Et tu es, étant immortel,
Pour sûr la fille d'un dieu !

D'après le poème de 1887 de Maurise Faure

Adaptation d'un poème grec d'Anacréon (ça fait donc plusieurs millénaires que les cigales chantent ^^) :

Sur la cigale

Heureuse cigale, sur la cime des arbres tu bois un peu de rosée et tu chantes comme la reine de la lyre. Toutes les belles choses que tu regardes dans les champs sont à toi, tout ce que produisent les saisons t’appartient. Tu es aimée du laboureur, car tu ne fais de mal à personne ; tu es honorée des mortels, agréable messagère de l’été ; tu es chère aux Muses ; tu es chère à Apollon lui-même : il t’a donné une voix harmonieuse ; la vieillesse ne t’accable point. Sage enfant de la terre, amante des chants joyeux, exempte de maux, n’ayant ni chair ni sang, tu es semblable aux dieux.

Au Pople Nostre

Paure pople de Prouvènço,
Sèmpre mai entamena.
Sènso sousto ni defènso,
Is óutrage abandouna !

A l’escolo te derrabon
Lou lengage de ti grand
E toun desounour acabon,
Pople, en te desnaturant.

Refrain :
Te mastrouion li cervello,
T’endóutrinon coume un niais,
Pèr fin que la manivello
Vire tóuti au meme biais.

Di vièi mot  de toun usage
Ounte pènses libramen
Un arlèri de passage
T’enebis lou parlamen.

Ti bèlli cansoun bouniasso,
Lis óublides, o badau !
Pèr li vilanié bestiasso
Que te plovon d’amoundaut.

À notre Peuple

Pauvre peuple de Provence,
Toujours plus abîmé.
Sans abri ni défense,
Abandonné aux outrages !

A l’école ils arrachent,
La langue de tes parents,
Et l’on achève ton déshonneur,
Peuple, en te dénaturant.

Refrain :
Ils te pétrissent le cerveau,
Ils t’endoctrinent comme un niais,
Pour qu’à la fin la manivelle
Tourne pour tous de la même manière.

Des vieux mots de ton usage
Où tu penses librement
Un impertinent de passage
T’interdit le parler.

Tes belles chansons naïfs,
Tu les oublies oh, badaud !
Pour les viles bêtises
Qui te tombent d’en haut.

Adaptation du poème Au Pople Nostre de Frédéric Mistral (1830-1914)  – Janvier 1905.

La cambo me fai mau

I'a proun de gènt
que van en roumavage
I'a proun de gènt
que van en Betelèn.
Ié vole ana, ai quàsi proun courage,
Ié vole ana, s'iéu pode camina.

La cambo me fai mau,
Bouto sello, bouto sello
La cambo me fai mau,
Bouto sello à moun chivau.

Tóui li bergié qu'éron sus la mountagno,
Tóui li bergié an vist un messagié.
Que i'a crida : Metès-vous en campagno !
Que i'a crida : Lou Fiéu de Diéu es na !

La jambe me fait mal

Il y a bien des gens
Qui vont en pèlerinage
Il y a bien des gens
Qui vont à Bethléem
Je veux y aller, J'ai presque assez de courage
Je veux y aller, Si je peux cheminer

La jambe me fait mal
Mets la selle, mets la selle
La jambe me fait mal
Mets la selle à mon cheval

Tous les bergers
Qui étaient sur la colline
Tous les bergers
Ont vu un messager
Qui leur a crié
Mettez-vous en campagne
Qui leur a crié
Le Fils de Dieu est né

Adaptation du texte La cambo me fai mau de Nicolas Saboly (1614-1675)

Fenian é grouman

Touei lei souar, ma bousso de maire
Mi renourié : sies un voourien !
Aimes mangea bouen, voues ren faire ;
Un jou feniras maou , Guïen !

Lou feniantugi,
Lou groumandugi
An dé tou ten desavia lei jouvenl...
Maire, li dieou,
Oh ! que vidasso !

Pa tan bedeou, Pa tan bedeou,
Per v'escouta , dé mi leva la peou !
Basto que lou marteou proucure
Dé que chiqua… rame qu'a fan !
Qu'es pa fenian, qu'es pa grouman,
Qu'un tron dé Dieou lou cure !

A luego dé neisse canaïo,
L'enfan d'un paoure ouvrié massoun,
Perqué sieou pas sorti dei braïo
D'un negoucian vo d'un baroun !

Lou feniantugi,
Lou groumandugi
An dé tou ten desavia lei jouvenl...
Maire, li dieou,
Oh ! que vidasso !

Pa tan bedeou, Pa tan bedeou,
Per v'escouta , dé mi leva la peou !
Basto que lou marteou proucure
Dé que chiqua… rame qu'a fan !
Qu'es pa fenian, qu'es pa grouman,
Qu'un tron dé Dieou lou cure !

Fainéant et gourmand

Tous les soirs, ma buse de mère
Me grognonne : "Tu es un vaurien !
Tu aimes bien manger, ne veux rien faire :
Un jour tu finiras mal, Guillaume !"

Le fainéantise,
La goinfrerie,
Ont de tout temps dévoyé les jeunes gens !
Mère, par les dieux,
Oh ! quelle large vie !

Pas si godiche,
Pour vous complaire, de m'élimer la peau !
Pourvu que le marteau procure
De quoi mastiquer, rame qui a faim !
Qui n'est pas fainéant, qui n'est pas gourmand,
Qu'un tonnerre de Dieu le cuise !

Au lieu de naître canaille,
L'enfant d'un pauvre ouvrier maçon,
Pourquoi ne suis-je pas sorti des braies
D'un négociant ou d'un baron !

Adaptation du texte Fénian é Grouman de Victor GELU (1806-1885)  - Juillet 1861

La cansoun de la coupo (coupo santo)

Prouvençau, veici la Coupo
Que nous vèn di Catalan
A-de-rèng beguen en troupo
Lou vin pur de noste plan

refrin :
Coupo Santo
E versanto
Vuejo à plen bord,
Vuejo abord
Lis estrambord
E l'enavans di fort !

Pèr la glòri dóu terraire
Vautre enfin que sias counsènt.
Catalan, de liuen, o fraire,
Coumunien tóutis ensèn !

La chanson de la coupe (coupe sainte)

Provençaux, voici la coupe
Qui nous vient des Catalans.
Tour à tour buvons ensemble
Le vin pur de notre cru.

refrain :
Coupe sainte
Et débordante
Verse à pleins bords,
Verse à flots
Les enthousiasmes
Et l'énergie des forts !

Pour la gloire du pays
Vous enfin qui êtes consentants nos alliés,
Catalans, de loin, ou frères,
Tous ensemble communions !

Adaptation du texte La cansoun de la coupo de Frédéric Mistral (1830-1914)  - 1867

Hymne de la Provence

Lou cant di felibre

Sian tout d'ami, sian tout de fraire,
Sian li cantaire dóu pais !
Tout enfantoun amo sa maire,
Tout auceloun amo soun nis :
Noste cèu blu, noste terraire,
Soun pèr nous-autre un paradis.

Sian tout d'ami galoi e libre,
Que la Prouvènço nous fai gau ;
Es nàutri que sian li felibre,
Li gai felibre prouvençau !

Lou cant di felibre

Fau que lou pople se satire ;
Toujour, pecaire, acò's esta…
Eh! se jamai falié rèn dire,
N'i'aurié, bon goi, pèr ié peta !
Fau que n'i'ague pèr lou fai rire,
Fau que n'i'ague pèr ié canta !

Sian tout d'ami galoi e libre
Que la Prouvènço nous fai gau
Es nàutri que sian li felibre,
Li gai felibre prouvençau !

Lou cant di felibre

Le chant des félibres

Nous sommes des amis, des frères,
Étant les chanteurs du pays !
Tout jeune enfant aime sa mère,
Tout oisillon aime son nid :
Notre ciel bleu, notre terroir
Sont, pour nous autres, un paradis.

Tous des amis, joyeux et libres,
De la Provence tous épris,
C'est nous qui sommes les félibres,
Les gais félibres provençaux  !

Le chant des félibres !

Dans le travail le peuple ahane :
Ce fut, hélas  ! toujours ainsi…
Eh ! s'il fallait toujours se taire,
Il y aurait de quoi crever  !
Il en faut pour le faire rire,
Et il en faut pour lui chanter  !

Tous des amis, joyeux et libres,
De la Provence tous épris,
C'est nous qui sommes les félibres,
Les gais félibres provençaux  !

Le chant des félibres !

Adaptation du texte Lou cant di felibre de Frédéric Mistral (1830-1914).  Texte écrit le 21 mai 1854 en l'occasion de l'assemblée des félibres; paru dans "L'Almanach provençal pour le bel an de Dieu 1855". 

Per passa lou rousen

Pèr passa lou rousen
Fau èstre au mèns dous
Pèr lou bèn passa
Fau sabe dansa.

Refrain :
Anen passo, passo, passo
Anen ! Passo dounc !

Dansas, dansas, dansas, dansas dounc !

Pour passer le rosé

Pour passer le rosé
Il faut être au moins deux
Pour bien le passer
Il faut savoir danser

Alors passe, passe, passe
Alors  ! Passe donc !

Dansez, dansez, dansez, dansez donc !

Adaptation d'une comptine traditionnelle Pèr passa lou rose, mais nous on y peut rien si on aime bien le rosé bien frais !

Fouero

Mourou, ti dounoun trento soou,
Quan vas débarqua dé matiero
Enca ti duves creire erous
Se ti rougnoun pa la jornado!

Lei traite, emé soun teta dous,
Ti l'empugnoun senso poumado !

L'a ni gouapou, ni Cidavan
Qu'aguoun fa soun libre dé conte :
Que li garço ! leis armo en man,
Un sabounié voou mai qu'un Conte !

Lei traite, emé soun teta dous,
Ti l'empugnoun senso poumado,

Refrain :
Fouero ! lou san que noun resto a lou bouei !
Fouero ! à soun tour lou bestiaou pren lou fouei !

Qu n'a n'en mete : aqui la lei !
La troumpetaren din la Franco !
En esparpaian la finanço,
Pourra pita, lou pichoun pei.

Se Paris si voou pa clina
L'a lei pegoun dei jou dé festo ;
Se Marsïo voou reguina,
Brulan lou por, é coupo testo !
Coupo testo !

Fouero ! lou san que noun resto a lou bouei !
Fouero ! à soun tour lou bestiaou pren lou fouei !

Hors d'ici / Hors de là / Arrière !

Maure1, ils te donnent trente sous,
Quand tu vas débarquer de la matière2,
Encore tu dois te croire heureux
Qu'ils ne te rognent pas ta journée !

Les traîtres, avec leur têter doux3,
Ils te le poussent sans pommade,

Il n'y a ni gros bras, ni nobles,
Qui aient fait leur livre de comptes4 :
Qu'importe5 ! Les armes en mains,
Un savonnier vaut plus qu'un Comte !

Les traîtres, avec leur têter doux,
Ils te le poussent sans pommade,

Hors d'ici6! le sang qui nous reste bouillonne !
Hors d'ici ! à son tour le bétail prend le fouet !

Qui en a en mette7 : voilà la loi !
Nous la trompetterons dans la France !
En éparpillant la finance,
Il pourra mordre le petit poisson.

Si Paris ne veut pas s'incliner
Il y a les torches des jours de fête;
Si Marseille veut rechigner,
Nous brûlons le port, et coupe têtes !
Et coupe têtes!...

Adaptation du texte Lou Tramblamen de Victor GELU (1806-1885)  - Septembre 1841
Ce texte parle d'un événement passé inaperçu pour la plupart des historiens : une tentative de prise d’armes, organisée par des ouvriers marseillais avec le soutien de sociétés secrètes, dans la nuit du 23 mars 1841.

  1. maure, noir - sobriquet pour exprimer un travailleur qui gagne peu d'argent, en rapport à l'esclavagisme, qui était encore pratiqué clandestinement à cette époque, ce n'est pas un terme raciste, c'est un terme utilisé pour désigner ses camarades travailleurs
  2. matière : soude artificielle
  3. ton mielleux
  4. un père a fait de son fils le plus immense éloge dès qu'il dit : A fa soun libre dé conte l Un livre de comptes calligraphié avec amour, à cette époque, la souche populaire est très souvent illettrée, un livre de compte bien ordonné est pour eux une œuvre d'art
  5. littéralement : "Quoi les filles !" c'est une expression très populaire à cette époque
  6. Defouero signifie "Dehors", Fouero, littéralement "Hors", "Hors-d'ici" serait la bonne traduction, mais aujourd'hui on dirait "Sortez-d'ici", en plus injurieux on aurait "Barrez-vous"

La Liberta

Tu que siés ardento e nuso
Tu qu’as sus lis anco ti poung
Tu qu’as uno voues de clairoun
Vuei soune soune a plen póumoun
O bono muso

Siés la muso di pauri gus
Ta caro e negro de fumado
Tis iue senton la fusihado
Siés uno flour de barricado
Siés la Venus

O liberta coume siés bello
Tis iue brihon coume d’esluci
E crouses, libre de tout mau
Ti bras fort coume di destrau
Sus ti mamello

Tu que siés pouderouso e rudo
Tu que brihes dins li raioun
Tu qu’as uno voues de clairoun
Vuei soune soune a plens póumoun
L’ouro es vengudo

La Liberté

Toi qui es ardente et nue,
Toi qui tiens les poings sur tes hanches,
Toi qui as une voix de clairon,
Sonne aujourd’hui à pleins poumons,
Oh! Bonne muse

Tu es la muse des pauvres gens,
Ton visage est noir de fumée,
Tes yeux sentent la fusillade
Tu es une fleur de barricade
Tu es la Vénus.

Ô Liberté, comme tu es belle
Tes yeux brillent comme des éclairs,
Et tu croises, libre de de tout mal,
Tes bras puissants comme des haches,
Sur ta poitrine.

Toi qui es puissante et rude
Toi qui brilles dans les rayons
Toi qui as une voix de clairon
Aujourd’hui appelle appelle à pleins poumons
L’heure est venue.

Adaptation de La Liberta, poème de Joachim Gasquet, dit Jean Clozel, paru sous le titre Cançon de nèrvi, dans le journal marseillais La Sartan du 6 de février 1892.